Arrêté et emprisonné depuis le 14 octobre dernier, l’ancien reggae-man guinéen ‘’Elie Kamano’’ reconverti en politicien vient d’écrire une lettre ouverte adressée aux artistes dans laquelle il interpelle le silence de ses derniers face à la situation du pays. Nous vous proposons ci-dessous le contenu de ce manuscrit,
Chers Camarades,
Chers Confrères
Je ne prétends ni vous engager en politique, ni vous faire un lavage de cerveau à travers ma plume. J’essaie tout simplement et humblement d’écrire une autre page de notre histoire commune dans cette société déshumanisée et dépourvue de tout état d’âme.
Ensemble, nous avons bâti le chantier de la musique urbaine, pastorale et rurale, éducative et instructive sans salaire et sans prix, mandatés par notre conscience citoyenne, sous la pluie et sous le soleil, essayant de mettre en valeur et en lumière notre créativité qui constitue notre propriété intellectuelle, c’est-à-dire notre « Halal », car les seuls vrais créateurs après Dieu, ce sont les artistes. Ensemble, nous avons connus des hauts et des bas, connu des humiliations, des indignations, des frustrations, voire même des omissions parce que nous sommes des artistes. Sur la route, nous nous sommes aussi fait assez de mal.
Nous nous sommes parfois regardés en chiens de faïence, et pour un simple leadership, nous nous sommes livrés à un sanglant corps-à-corps sans vainqueurs et sans vaincus. Refusant d’aller plus loin, chacun s’évertue à briser la fondation du château qu’on a construit ensemble, oubliant qu’il est le maillon le plus important de la chaine.
C’est donc avec ce sentiment de culpabilité collective que je vous invite à une prise de conscience, car la société qui vous a engendrés vous réclame ses légitimes droits aujourd’hui. Celle qui répond à votre appel. Celle qui assiste à vos spectacles. Celle qui achète et consomme vos œuvres vous réclame de l’aide à son tour.
Chers Camarades,
Chers Confrères,
Nous sommes des étoiles, autrement dit, des stars. Nous sommes des faiseurs de roi, de surcroit, des influenceurs. Nous sommes la voix et l’œil de la masse. Nous sommes Derrière le peuple pour l’amener vers une prise de conscience, au Milieu du peuple pour veiller à l’applicabilité de cette prise de conscience, Devant le peuple pour le guider vers une vraie émergence et cela sans rien attendre.
Cette triple exigence que nous nous assignons dans le plus grand des intérêts de notre société, résulte de l’efficacité de notre patriotisme et de notre volonté à être une jeunesse responsable sur qui le pays peut et doit compter.
Aujourd’hui, je m’adresse à vous en tant que compagnon de lutte pour lesquels j’oserai laisser ma peau sans aucun regret, mais qui malheureusement à leur tour décident de garder un silence coupable devant cette situation dramatique qui compromet nos acquis démocratiques et qui vise à hypothéquer l’avenir de notre peuple avec beaucoup de risque.
Chers Camarades, Chers Confrères, Nous avons fabriqué tellement de rois qu’il est nécessaire et opportun qu’on se pose la question aujourd’hui sur notre avenir commun, nécessaire qu’on réalise notre pouvoir au sein de notre société et qu’on décide de changer la donne en retournant la pyramide du bon côté de l’histoire.
Allez-vous continuer à fabriquer des rois qui vous oublient une fois au trône? Allez-vous éternellement réclamer et clamer tout haut des S.O.S quand l’un d’entre vous est malade alité et en danger? Allez-vous continuer à être la risée des autres en étant désunis et démunis ? Enfin, avez-vous le courage de passer du stade d’influenceurs à celui de décideurs ? Voilà les questions qui m’empêchent de fermer l’œil et qui me poussent à vous écrire ces quelques lignes pour vous rappeler que l’art doit être l’art de son époque, au service des nécessités de son époque.
Chers Camarades,
Chers Confrères,
Ayez simplement à l’esprit que du fond des geôles de l’injustice et de la dictature de monsieur Alpha Condé, si je gagne, vous aurez indubitablement gagné, et que si je perds, vous aurez également perdu à cause du lien sacré qui nous tient à jamais.
J’ai fait le choix d’aller en politique, mais sachez que je resterai pour le peuple un soldat. Pour vous un compagnon et un confrère. Pour Dieu un fidèle serviteur. Le destin se joue entre le refus et l’acceptation d’une situation à un moment donné de notre parcours. Aidez votre peuple car il a besoin de vous.
Source : ledjely.com
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